C’est avec cette idée simple mais puissante que s’ouvre l’échange avec l’un des plus grands neurologues français : le professeur Bruno Dubois. Membre de l’Académie de médecine, ancien chef du service de neurologie à la Pitié-Salpêtrière, co-fondateur de la Fondation Recherche Alzheimer, il est l’auteur du livre Alzheimer n’est pas une fatalité (Harper Collins) et Alzheimer : la verité sur la maladie du siècle (Grasset)
Pendant près d’une heure, il partage avec clarté les découvertes scientifiques les plus récentes, mais aussi les gestes concrets qui peuvent retarder, voire éviter l’apparition des symptômes.
Alzheimer : une maladie qui commence… avant les symptômes
Première idée forte du professeur Dubois : la maladie s’installe longtemps avant que la mémoire ne flanche. Grâce aux biomarqueurs (ponction lombaire, IRM, bientôt prise de sang), les chercheurs savent désormais que les lésions cérébrales précèdent les premiers signes cognitifs de 10 à 15 ans.
« Le cerveau est atteint avant que les troubles n’apparaissent. Ce que nous voyons, c’est le sommet de l’iceberg », explique le professeur.
C’est dans ce laps de temps silencieux que la prévention devient possible. Pas avec un médicament miracle, mais par une hygiène de vie globale.
L’importance d’une vie active, dès l’enfance
Le professeur insiste sur un concept clef : la réserve cognitive. Plus notre cerveau est stimulé tôt, plus il développe un « matelas de connexions » capable de retarder l’expression de la maladie.
« Il est essentiel de stimuler les enfants, de leur faire lire, découvrir, questionner. Le cerveau est plastique, il demande de l’information, comme une plante a besoin d’eau. »
Cette stimulation ne concerne pas que l’école : elle passe aussi par les voyages, les discussions, l’art, les langues, la curiosité. Elle doit ensuite se poursuivre toute la vie, même à la retraite.
L’activité physique : un levier trop souvent sous-estimé
« Le sport améliore la vascularisation cérébrale. Et c’est fondamental, car un cerveau bien irrigué, c’est un cerveau protégé. »
Le professeur rappelle que la sédentarité accélère le déclin cognitif. Marcher régulièrement, faire du vélo, pratiquer une activité soutenue (dans la mesure de ses capacités) est l’un des meilleurs moyens de retarder l’apparition des symptômes.
Le yoga ou le pilates sont bons pour l’équilibre mental, mais c’est l’effort cardio qui montre les résultats les plus probants.
Préserver le lien : un acte neurologique
« Ce qui retarde le plus l’entrée dans la maladie, ce sont les interactions sociales. »
Ce n’est pas un slogan : c’est un résultat de recherche. Vivre entouré, converser, partager, débattre, rire, aimer… tout cela active des zones entières du cerveau. Et plus le cerveau est actif, plus il résiste.
« Quand vous parlez à un ami, vous réactivez des souvenirs, des émotions, des images, des mots. Votre cerveau travaille. »
L’isolement, en revanche — qu’il soit social, auditif ou sensoriel — est un facteur de risque majeur.
L’hygiène de vie, dans toutes ses dimensions
Le professeur Dubois insiste sur plusieurs axes de prévention :
Et ajoute : « Ce n’est pas un facteur isolé qui protège, c’est un style de vie, une manière de se penser, de se soigner, de s’ouvrir au monde. »
Et si c’était déjà trop tard ?
Un proche répète trois fois la même question ? Se perd dans une discussion qu’il connaît bien ? Cela peut être le stade prodromal de la maladie.
« La maladie ne commence pas au moment de la démence. Elle commence bien avant. Et il est crucial de la repérer tôt. »
Pourquoi ? Parce que de nouveaux traitements arrivent. L’un d’eux — un anticorps monoclonal — a déjà reçu l’autorisation aux États-Unis, et l’Europe s’apprête à le valider. Il ne guérit pas, mais ralentit la progression des symptômes.
« On ne parle pas de guérison. Mais on gagne six mois d’autonomie sur un an et demi de maladie. C’est énorme. »
Pour les aidants : aimer, mais ne pas s’épuiser
L’épuisement des aidants est un risque trop souvent ignoré. Le professeur invite à ne pas rester seul :
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Accepter de l’aide (soins, repas, visites)
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S’autoriser des pauses (accueils de jour, hospitalisations de répit)
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Parler avec d’autres aidants (groupes de parole, associations)
« Aider, c’est noble. Mais s’oublier, c’est dangereux. »
Pour conclure : un appel à l’action douce
Ce podcast n’est pas destiné aux patients. Il s’adresse à toutes celles et ceux qui veulent comprendre, prévenir, protéger.
Car le cerveau n’est pas un simple organe. C’est notre mémoire, notre humour, notre histoire, notre capacité à aimer.
Et il ne demande qu’une chose : qu’on s’en occupe.
💬 À retenir :
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Alzheimer commence avant les symptômes
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On peut retarder leur apparition, parfois de plusieurs années
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Les clés : activité physique, stimulation intellectuelle, lien social, santé cardio, hygiène de vie
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Ce que vous faites aujourd’hui change votre cerveau de demain
🔗 Écoutez l’épisode complet du podcast BloomingYou avec le professeur Bruno Dubois aussi sur Youtube
📚 Must read : Alzheimer n’est pas une fatalité, publié chez Harper Collins