L’évolution de l’hypnose : Les techniques d’activation de conscience expliquées...
Publié le 31/03/2021, mis à jour le 04/11/2024
Podcasts santé
L’évolution de l’hypnose : Les techniques d’activation de conscience expliquées par le Dr. Jean Becchio
42 min d'écoute
Comment les TAC ont-elles remplacé l’hypnose ?
Rencontre avec le Dr Jean Becchio
Bien avant que l’avènement de la médecine moderne ne la confine au rang du spectacle et du divertissement, l’hypnose était un outil thérapeutique utilisé par les druides, les chamans, les sorcières, les conteurs et les hommes-médecine. Tantôt pour aider leurs visiteurs à évoluer, tantôt pour les guérir.
Grâce aux récentes découvertes des neurosciences, l’hypnose est redevenue un outil thérapeutique utilisé pour soulager les douleurs, se remettre d’un burn-out, se libérer d’une addiction ou encore pour retrouver confiance en soi.
Depuis, l’hypnose thérapeutique n’a cessé d’évoluer pour donner lieu aujourd’hui aux TAC, les Techniques d’Activation de Conscience.
Afin de mieux comprendre les dessous de cette évolution, ainsi que ses implications et ses bienfaits, nous recevons l’auteur « « Du nouveau dans l’hypnose : les techniques d’activation de conscience » (Odile Jacob, 2021) », Jean Becchio.
Médecin généraliste spécialisé en psychiatrie et soins palliatifs, J. Becchio est également le président du CITAC et le fondateur d’un des premiers enseignements universitaires d’hypnose dispensé à l’université Paris-Orsay.
Une brève Histoire de l’hypnose
Quelle est la différence entre l’hypnose et les TAC ?
JB : C’est tout simplement une évolution. L’hypnose était défendable à une certaine époque avec certains dogmes, elle ne l’est plus aujourd’hui suite aux découvertes des neurosciences. Aujourd’hui, ce qui est défendable, ce sont les TAC. Demain, cela sera peut-être encore autre chose.
Quelle est l’origine de l’hypnose ?
L’hypnose existe depuis toujours car depuis que l’humain est apparu sur Terre, la souffrance (comme le plaisir) l’accompagne. Pour soulager cette souffrance, il a inventé un moyen, qui est la croyance en des forces supérieures. Les forces de la nature, du ciel, de Dieu etc. Le chaman était un médiateur qui captait ces forces et les envoyait chez la personne qui souffrait.
Ce rôle de médiateur a subsisté pendant très longtemps. Ambroise Paré, médecin du roi François Ier, affirmait ainsi : « je soigne les personnes et Dieu les guérit ».
Les différentes évolutions de l’hypnose thérapeutique :
Du chamanisme au magnétisme : A partir du XVIIème siècle, Dieu se retire de la médecine pour être remplacé par la science. Un siècle plus tard, le médecin Autrichien Anton Mesmer, inspiré par les découvertes sur l’électricité et l’électromagnétisme, crée le magnétisme animal.
Du magnétisme à la suggestion : Au XIXème siècle, le médecin écossais James Braid discrédite le magnétisme pour le remplacer par la suggestion. Le médecin souffle à l’oreille du patient somnolant, ou endormi, des mots ou phrases destinés à le guérir.
De la suggestion à l’hypnose thérapeutique : Au XXème siècle, les outils comme le scanner et les IRM valident la thèse de James Braid. Les mots, la parole et les métaphores ont bien une force qui agit sur le cerveau, et peut entraîner une diminution de la douleur, physique et morale.
Comment les TAC stimulent-elles nos forces vitales ?
Qu’est ce qui distingue les TAC de l’hypnose ?
Vous écrivez : « Les grands changements de nos vies viennent de l’intérieur et vont vers l’extérieur. Un bon thérapeute emploie toujours une technique qui stimule la force interne. » Comment stimulez-vous cette force, et quelle différence avec l’hypnose ?
JB : Avec l’hypnose traditionnelle, le thérapeute donne un « coup de marteau » au moyen d’une suggestion directe. Envie d’arrêter de fumer ? En une séance, « boom » on est dégoûté du tabac.
Avec les TAC, le thérapeute prend le patient sous son aile, jusqu’à ce qu’il développe assez de forces intérieures pour s’arrêter de fumer. Ce qui implique de voir le thérapeute régulièrement, et de faire des exercices d’auto-activation pour stimuler ses forces.
Stimuler les forces nécessite trois éléments :
Une relation de confiance entre le thérapeute et le patient.
Connaître trois de ses ressources. Pour Jean Becchio, c’est le chocolat noir, marcher dans les Pyrénées ariégeoises et lire un bon bouquin.
Connaître son expertise, à savoir ses talents ou capacités naturelles.
Quelle est la différence entre une séance d’hypnose et de TAC ?
JB : Contrairement à l’hypnose classique, le problème du patient est directement abordé pendant une séance de TAC.
Comment abordez-vous le problème ?
JB : Le patient prend une posture tonique, ferme les yeux et se concentre sur sa douleur pendant dix secondes. On fait comprendre au patient que le but d’une séance est de partir du port de l’inconfort pour voyager, et arriver au port du confort.
JB : Une séance dure entre 5 et 15min. Pour traiter une douleur aiguë et récente, une à trois séances suffisent. Pour traiter des souffrances enkystées comme une dépression ou une addiction, une thérapie dure entre 4 et 6 mois.
Pourquoi l’indécision brise nos forces ?
Pour évoquer la problématique du choix binaire, vous citez la première phrase du Roman de David Copperfield de Charles Dickens : « Serai-je le héros de ma vie ou ce rôle sera-t-il joué par quelqu’un d’autre que moi ? » Comment un choix partiel ou le non-choix devant une bifurcation conduit à l’échec ou à la névrose ?
JB : On a sans arrêt le choix. Vous avez le choix de venir me voir ou d’aller voir une autre personne. Si vos lecteurs réfléchissent quelques secondes, il va se présenter une bifurcation aujourd’hui, dans leur vie. Est-ce que je vais faire ceci ou cela ? Habituellement, nous faisons les bons choix qui nous permettent d’avancer, ce qui n’est pas le cas pour un patient en manque d’énergie ou d’agentivité.
L’agentivité est notre puissance d’agir, qui peut se trouver entravée par une petite voix intérieure hésitante devant une bifurcation. L’hésitation trop longue laisse place à la peur. Celle-ci étant mauvaise conseillère, elle nous oriente presque systématiquement vers le mauvais chemin.
JB : Nous devons donc apprendre à notre patient à gérer ses peurs pour qu’au moment de la bifurcation il choisisse un chemin. S’il choisit le mauvais, grâce à cette confiance, il en prendra vite conscience et opérera une nouvelle bifurcation pour aller vers le bon chemin.
Vous insistez énormément sur la nécessité d’encourager l’autonomie du patient
JB : C’est primordial, « aide-toi et le ciel t’aidera ». On avertit d’emblée nos patients que si on accepte de les aider, ils doivent aussi faire leur part de travail en faisant les exercices. Sans cela, on est dans l’hypnose traditionnelle. Quand un dépressif va mieux, j’espace nos rencontres hebdomadaires à 15 jours, puis à la fin, je le verrais une fois par mois m’assurer qu’il est bien autonomisé.
Quels sont les liens de pouvoir entre le corps et l’esprit ?
L’impact des mots sur le corps
Vous écrivez : « Les mots soignent par eux-mêmes lorsqu’ils sont bien choisis et en correspondance avec le vécu et le ressenti du patient. » Comment le langage impact le corps et l’esprit ?
JB : Les mots possèdent bien une force, c’est ce qu’on appelle la sémantique. Si je dis à un patient « vous allez mieux, je suis content », il reçoit cela avec satisfaction mais l’IRM n’indique aucun changement cérébral. Si je lui dis : « vous allez mieux, je suis content et vous êtes sur le bon chemin », quelque chose se passe dans son cerveau. Une onde fulgurante se manifeste à l’IRM et que j’appelle « onde de la joie ».
Que s’est-il passé ? « Le bon chemin » est une image symbolique et universelle, qui a changé le sens de la phrase en lui apportant davantage d’intensité. « Aux médecins de connaitre les mots qui aident le patient ». Ces mots vous ont été inspirés par Aristote dans la Poétique et la Rhétorique.
JB : Aristote a d’abord écrit La Rhétorique pour permettre aux rhéteurs, c’est-à-dire aux avocats, de construire des discours qui influencent le juge et leur permettent de gagner le procès. Mais d’autres avocats s’éloignaient de la Rhétorique pour orner leur discours de métaphore, poésie, musique etc. Ce qui touchait non seulement l’intellect du juge, mais aussi son oreille et son cœur.
Est-ce qu’il s’agit de l’inconscience bienveillante évoquée dans votre livre ?
JB : L’inconscient bienveillant est une notion introduite par Milton Erickson. Aujourd’hui, on parle plutôt de force de vie intérieure. On rejoint un peu les philosophies taoïstes avec le chi, l’énergie vitale qui circule en nous et nous soutient. La bienveillance est à l’intérieur de nous, mais il faut qu’on l’encourage.
JB : La psychologue américaine Amy Cudy a mené une expérience révolutionnaire où elle a pu démontrer que notre posture influençait directement notre état d’esprit.
Après avoir mesuré le taux d’hormones de stress (cortisol) et du bonheur (testostérone) dans la salive d’étudiants volontaires, Amy Cudy compose deux groupes.
Aux premiers, elle leur demande de prendre la pose d’une personne anxieuse, épaules rentrées, tête baissée pendant 3min. Aux seconds, elle leur demande de prendre la pose de fier conquérant pendant 3min également.
A nouveau, toutes les salives sont analysées. Dans le groupe des déprimés, le taux de cortisol augmente de 15 % et le taux de testostérone baisse de 10 %. A contrario, dans le groupe des fiers conquérants, le taux de cortisol a baissé de 25 % et le taux de testostérone a augmenté de 20 %.
JB : La tristesse peut être chassée par quelques gestes très simples : se redresser, tourner les épaules en arrière pour gonfler la poitrine, relever un peu le menton et ajouter un sourire sur le visage.
La notion d’émotion positive, comme la joie, ou négative, comme la colère, est dépassée selon vous. « Toute émotion est utile et doit être utilisée. Une émotion n’est pas un état mais un processus dynamique. » Les émotions sont donc souvent rationnelles, pourtant Descartes pensait l’inverse.
JB : Selon les scientifiques occidentaux, il y a 4 émotions : la peur, la colère, la joie et la tristesse. Et toutes sont utiles. Sans sa tristesse, Baudelaire n’aurait jamais pu écrire les Fleurs du Mal. Il était un triste naturel qui a su utiliser son émotion. Pareil pour la colère, si elle est utilisée bien à bon escient, elle est un formidable réservoir d’énergie, d’action et de persévérance.
A noter que les philosophes taoïstes comptent 5 émotions, en rajoutant celle issue de l’état de réflexion ou de contemplation, où il n’y a ni joie, ni tristesse, ni colère, ni peur.
Vous nous apprenez que la dépression a une fonction. Laquelle ?
JB : La dépression peut être effectivement utile à un certain moment quand le corps se sent menacé par un burn out ou autre. La dépression résulte de la une force intelligente en nous, qui est l’agentivité mentionnée plus haut.
La dépression doit donc être acceptée comme un évènement salvateur qui, une fois traversée, sera une expérience qui nous aura fait grandir. Ce qui est problématique, c’est quand la dépression est permanente.
Les TAC sont-ils accessibles aux enfants ?
Vous parlez également de la souffrance psychiquedes enfants en citant Bruno Falissard et vous reprenez les fondamentaux qui sont liés à la stimulation de l’attention chez les enfants. Les TAC peuvent-ils aider les enfants à être plus concentrés ?
JB : Oui, la méthode s’adapte aux particularités des enfants. Ils apprennent facilement les exercices à condition qu’ils fassent partie de leur univers de jeu vidéo, de manga ou autre.
Good to know : Les enfants à qui on lit des histoires le soir ont 200 % de chance de plus d’être compétitifs à l’école par rapport aux autres élèves.
Raconter des histoires aux enfants est donc une façon de muscler leur attention, de leur apprendre à rester concentrer. Toutefois, il est important de bien sélectionner les histoires en veillant à ce qu’elles soient assez courtes, surprenantes, voire un peu effrayantes. Mais toujours initiatrices, instructives et porteuses d’espoir.
Conclusion ? Les TAC conviennent autant aux petits qu’aux grands, les distinguant encore une fois de l’hypnose traditionnelle.
Ainsi, à de nombreux égards, les TAC sont une réelle avancée, voire même une révolution dans l’Histoire de la santé mentale.
Une avancée dont l’importance et la richesse sont encore largement inconnues dans notre société où les crises s’additionnent et n’épargnent personne.
Quoiqu’il en soit, cette avancée est plus que bienvenue, et il ne serait pas absurde d’envisager qu’elle puisse être également une étape, ou un tremplin, vers de nouvelles découvertes.
Must read : "Du nouveau dans l'hypnose. Les techniques d'activation de conscience." Jean Becchio. Aux éditions Odile Jacob.
Pour lire cet article, abonnez-vous gratuitement ou connectez-vous