Sommes-nous vraiment maîtres de nos passions ? Décryptage avec Guillaume...
Publié le 16/03/2025
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Sommes-nous vraiment maîtres de nos passions ? Décryptage avec Guillaume Le Blanc
58 minutes min d'écoute
Nos passions sont-elles vraiment les nôtres ou un piège social ?
Pourquoi ressentons-nous la jalousie, la peur, la haine ou le ressentiment sans pouvoir les contrôler ? Sommes-nous responsables de nos passions ou la société les façonne-t-elle à notre insu ?
Dans cet épisode du podcast BloomingYou, Guillaume Le Blanc, philosophe et écrivain, auteur de Les Passions Dangereuses (Albin Michel), nous invite à changer de regard. Il nous montre que nos passions ne viennent pas seulement de nous, mais qu’elles servent aussi un système qui les entretient.
Nos passions nous appartiennent-elles vraiment ?
Nous avons appris à voir nos émotions négatives comme des failles personnelles. Lorsqu’on ressent de la jalousie, de la colère ou du ressentiment, on nous dit de nous maîtriser, de nous discipliner, d’apprendre à gérer nos émotions.
Guillaume Le Blanc renverse cette vision. Il explique que ces passions ne sont pas simplement des traits de caractère. Elles ne relèvent pas uniquement de notre psychologie individuelle. La société les façonne, les encourage et les utilise.
On croit que vivre, c’est être un sujet plein d’esprit et de possibilités de développement personnel. Mais en réalité, nous sommes tellement pris dans les formes sociales que nous finissons par vivre une vie que nous ne désirions pas nécessairement".
Nous vivons dans un monde qui fabrique du ressentiment, de la colère et de l’envie. Ces passions nous divisent, nous paralysent et nous maintiennent sous contrôle.
"Nous existons socialement grâce à nos propriétés sociales. Mais nous avons tendance à nous imaginer comme des individus libres, souverains, selon une fiction individualiste bien menée".
Ces huit passions qui nous gouvernent
Dans son livre, Guillaume Le Blanc identifie huit passions négatives qui structurent nos vies. Il ne les considère pas comme des défaillances personnelles, mais comme des forces sociales qui nous traversent.
La paresse, souvent perçue comme un défaut, mais aussi le résultat d’un monde qui nous épuise et nous enferme dans des distractions numériques.
La lâcheté, que l’on attribue aux individus, alors qu’elle découle d’un système qui assigne chacun à une place et le décourage de la quitter.
Le mensonge, non pas une faute morale, mais une stratégie sociale pour se conformer aux attentes extérieures.
L’envie et la jalousie, entretenues par la mise en scène de la réussite sur les réseaux sociaux.
La peur et la haine, devenues des outils politiques pour diviser et contrôler.
Le ressentiment, le piège ultime qui nous enferme dans l’impuissance et alimente les populismes.
"Quand nous en sommes au ressentiment, cela devient très délicat. Il suffira alors d’un grand démagogue pour récupérer cette colère et gouverner par l’opposition à un ennemi désigné".
Jalousie et envie : le cœur du système
Guillaume Le Blanc met en lumière le rôle central de la jalousie et de l’envie dans nos sociétés contemporaines. Nous vivons dans un monde qui privilégie la comparaison permanente.
Les réseaux sociaux renforcent cette mécanique en nous exposant sans cesse aux réussites des autres. Ce décalage entre ce que nous avons et ce que nous voyons chez les autres alimente un cycle d’insatisfaction et de frustration.
"Nous sommes piégés dans une dynamique où nous convoitons ce que l’autre possède, non pas tant parce que nous en avons besoin, mais parce que cela définit notre position sociale".
Nous ne nous contentons pas de désirer un objet ou une situation. Nous voulons ce que les autres ont, car c’est ainsi que nous nous situons dans la hiérarchie sociale.
Sommes-nous tous des Gregor Samsa ?
Dans La Métamorphose, Kafka raconte l’histoire de Gregor Samsa, un homme qui se réveille transformé en insecte. Sa famille, d’abord horrifiée, finit par l’ignorer, puis l’abandonne totalement.
Guillaume Le Blanc voit dans ce récit une métaphore de notre condition moderne. Nous nous pensons libres, mais nous sommes enfermés dans des cadres qui nous transforment à notre insu.
"Gregor Samsa rêvait sans doute d’une vie différente, mais il a été métamorphosé en représentant de commerce qu’il ne voulait pas être. Son corps finit par exprimer la métamorphose sociale qu’il subit".
La société ne nous impose pas seulement des normes. Elle nous façonne, elle nous pousse à devenir des personnages que nous n’avons pas choisis.
Comment échapper à cette logique ? En reprenant le contrôle sur nos passions et en refusant les assignations invisibles qui nous enferment.
Sortir de la tristesse, retrouver la Joie
Guillaume Le Blanc souligne que notre époque fabrique de la tristesse.
"Plus notre société devient une société de la mise en concurrence, du rendement et de la performance, plus elle produit intrinsèquement de la tristesse".
Cette tristesse nous plonge dans un état de résignation. Elle nous empêche d’agir, nous maintient dans un sentiment d’impuissance.
Mais nous pouvons renverser cette mécanique. La tristesse peut devenir un moteur pour chercher autre chose.
"Plus nous trébuchons dans la tristesse ou la mélancolie, plus nous désirons nous en sortir. Plus nous désirons retourner vers une forme de joie".
Retrouver la joie ne signifie pas nier la tristesse ou refuser d’éprouver certaines émotions. Cela signifie repenser la manière dont nous vivons nos passions.
"Être joyeux, c’est augmenter sa puissance d’être. Nous devons inventer nos propres normes pour mieux exister avec nous-mêmes et avec les autres".
Que signifie "inventer ses propres normes" ? Cela peut passer par plusieurs actions :
Se libérer des automatismes : Interroger nos émotions et comprendre leur origine sociale.
Créer et expérimenter : Trouver de nouvelles façons de vivre, de travailler, d’aimer, loin des injonctions dominantes.
S’autoriser à être joyeux : Refuser de se laisser enfermer dans un cycle de frustration et de comparaison.