Comme chaque année, une grande agitation s’élève dans le monde de l’art contemporain. Les galeristes laissent s’envoler les vacances pour mieux se préparer aux grandes foires à venir. A Paris, c’est donc un véritable tremblement d’art qui explose et peut nous paralyser tant le choix des expositions est vaste. Aussi, je voudrais vous parler d’un artiste chinois dont les œuvres elles, semblent rester figées dans le temps loin de cette fièvre collective.
Cet artiste, c’est Li Donglu, né en 1982 à Guangdong en Chine diplômé des Beaux-Arts de Canton et des Beaux-Arts de Versailles. Depuis 2004, celui-ci vit et travaille à Paris. Il s’est construit son propre style en mélangeant la technique de l’art dit « classique » et la culture chinoise.
Son thème de prédilection ? La nature. Pour l’artiste, ces paysages qui sont ressentis à priori comme de grandes étendues silencieuses et tranquilles sont, en réalité, des représentations de mondes en tension prêts à éclater à tout moment.
C’est dans le quartier feutré de Saint-Germain-des-Prés que commence notre visite. Suivez la petite rue de l’Echaudé et vous vous retrouvez devant un immense espace inattendu baigné de lumière. Cet espace est la galerie d’art contemporain (a2z Gallery) crée 2009 qui présente une sélection de jeunes artistes internationaux. Dans ce lieu, les fondateurs de la galerie Ziwei et Anthony Phuong ont voulu donné aux artistes une véritable carte blanche pour qu’ils puissent exprimer leurs univers. “J’ai envie de porter des artistes de ma génération, qui ont digéré les révolutions technologiques et les mutations sociales aux quatre coins de la planète”, explique Anthony Phuong* (cf L’officiel galerie musée)
Accompagné d’une traductrice, nous avons eu la chance d’interviewer l’artiste.
L’art abstrait envahit le marché et pourtant vous avez choisi l’art figuratif. Pourquoi ? LDL : Oui moi aussi j’ai remarqué le peu d’art figuratif dans ces foires. J’ai tenté pendant un temps de peindre l’art abstrait lorsque j’étais aux Beaux-Arts, mais je n’arrivais pas à poursuivre ces pièces. J’avais en réalité besoin de quelque chose de concret, d’un support de réflexion pour avancer dans mon travail qui me pousserait encore plus loin, je ne voulais pas tomber dans cette sorte de néant, de vide. Je crois également que ceux qui peignent l’art abstrait sont arrivés là en suivant une logique de l’histoire de l’art. L’art figuratif est vraiment quelque chose que je veux faire mais qui en même temps me permet de ne pas me limiter à ce cadre de l’histoire de l’art.
« Dans la lignée de sa réflexion picturale basée sur le temps et les états d’âme, Li Donglu invite le public à ressentir, cette année, la puissance de ce que l’on appelle en Chine le “Zao Wu” . Appelé bibliquement la « Genèse » en Occident ou encore la « Cosmogonie » dans le monde des sciences,
le « Zao Wu » incarne en Chine une force divine à l’origine de la création de l’Univers ».
Mais alors, qu’est-ce que ce Zao Wu ? Est-ce lié à une certaine spiritualité ? LDL : D’après moi, le sens chinois de Zao Wu est bien plus large que dans sa traduction française. Lorsque l’on dit « les créateurs », on se réfère bien sûr au créateur alors que « Zao wu » dans son terme propre « création de la chose » exprime une dimension d’artisanat, de création humaine. Dans le terme « Zao » , cette création peut- être aussi une force invisible qui pousse à la création de la peinture.
Il y a cette force là qui détermine ce processus dans ma création. Pour répondre à votre deuxième question, ma spiritualité n’est pas forcément liée à une religion concrète, c’est plus une quête personnelle dans ma peinture. Cette émotion là peut se percevoir dans une peinture concrète avec ce paysage que vous voyez. C’est donc en rapport avec le processus lié à l’acte de peindre. Ce processus est très important pour moi, car lorsque je peins, je dois concentrer toutes mes forces. Pour préparer le support, je dois parfois poser la matière 10 à 20 fois de suite. Chaque étape est essentielle et doit correspondre à mes attentes. Cela peut parfois durer des mois avant que je finisse une toile !
un pin 46x38cm 2016 Huile sur toile
Face à vos oeuvres, j’ai eu le sentiment que notre rapport au réel et au temps se distendait. On peut même parler d’épochè puisque notre jugement peut être suspendu pendant quelques instants… LDL : Oui, vous avez tout à fait raison, déjà sur la peinture même, on peut y déceler la trace du temps. Prenez le temps d’examiner le tableau et vous y trouverez beaucoup de détails. Les couches d’espaces présentes dans l’oeuvre peuvent vous permettre de percevoir ce « passage d’air qui circule ». J’ai cet espoir de pouvoir « conjurer le temps ». Pour arriver à ce résultat, je peins mes tableaux dans un état de silence total. C’est seulement dans cette condition que je peux commencer à prendre mes pinceaux et créer. Si je ne me sens pas à mon aise, je ne pourrais même pas y déposer la couleur sur la toile. La construction d’une symphonie est ce que je tends à faire dans mon travail. Malgré la limitation du cadre qui impose lui-même des limites d’informations, je veux rendre mes tableaux riches par le temps et l’espace. Pour cela, mon travail nécessite une attention de tous les instants dans laquelle je pondère chaque couche d’espace et chaque niveau de temps.
je veux rendre mes tableaux riches par le temps et l’espace
Revenons à vos oeuvres, l’on remarque que le paysage (chaotique) est toujours représenté. Quel est le lien par rapport à votre conception de la nature ? LDL : La nature que je représente dans mes tableaux est une projection de mon imagination. C’est évidemment une sorte de nature qui m’inspire, une nature un peu comme vous dites chaotique, en crise. Ce qui m’intéresse dans ces images, c’est qu’elles ont une certaine force pour émouvoir ceux qui les regardent. En revanche, ce n’est pas une nature qui se réfère à la réalité, mais à une image de nature inscrite dans mon esprit. La nature est là malgré tout.
LI Donglu Brume 40X60cm 2018 Technique mixte sur toile.
L’art pourrait-il constituer une médiation vers une conscience de nature ? LDL : L’art peut être la fenêtre de la nature, oui on peut considérer qu’il peut être une ouverture, mais néanmoins très limitée. Par exemple, la plupart des gens en Chine n’accorde pas d’importance à l’art, de facto accéder à la nature par l’art me paraît difficile. Le problème écologique devient effectivement très urgent, mais je reste optimiste car ce n’est qu’une étape. Je pense qu’à l’avenir, on se rendra compte de ces conséquences et notamment les jeunes qui, plus conscients de ce qui se passe, réagiront.
Y-a-t-il un désir d’impacter le public sur cette conscience de la nature, écologique ou pas du tout puisque vous me dites qu’il est difficile de convaincre l’autre par l’art ? LDL : Le propos écologique n’intervient pas dans mes peintures mais c’est libre à l’interprétation. Pour toutes ces questions idéologiques concernant la protection de l’environnement, je crois qu’il a des professionnels qui peuvent le faire. Ce n’est pas forcément le rôle de l’art. Mes peintures sont plutôt des constructions mentales, des paysages intérieurs ou des images spirituelles. La nature est un support, oui, mais elle est aussi un moyen pour arriver à ce paysage chaotique où l’on se baigne dedans. Je ne me réfère pas à la réalité, je n’ai pas d’intention éducative ou morale.
ma spiritualité n’est pas forcément liée à une religion concrète, c’est plus une quête personnelle dans ma peinture.
Proche du style romantique, vous représenter toujours un paysage. Ce thème a-t-il toujours été là et le sera-t-il prochainement? LDL : Oui bien sûr, il y a un lien très fort à la nature. C’est là où je puise toutes mes inspirations. Il y a une telle richesse dans celle-ci qu’elle est toujours là. Jusqu’à présent, je n’ai pas encore représenté d’hommes. Peut-être vous y verrez ses traces laissées dans mes peintures mais je vais continuer ce sujet de la nature…
Où pouvons-nous vous retrouver ? LDL : A la galerie A2Z (24 rue de l’Echaudé dans le 6ème arrondissement). Mon exposition se terminera le 6 octobre prochain dans la galerie a2z-art.
Je serai également présent à la grande foire d’art contemporain asiatique à Paris Asia Now du 17 au 21 octobre.
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